Discussion avec Félicie : En quête perpétuelle de son • WODJ MAG

Félicie, c’est cette jeune DJ au visage angélique qui, une fois derrière les platines, envoie une techno puissante, brute et sans artifice. Elle n’est pas là pour jouer mais pour évangéliser. Cette passion pour la techno, elle la suit depuis trois ans. Basée à Paris, Félicie a un background assez impressionnant, elle est DJ résidente de Exil, aux côtés de Hemka notamment, et joue dans les meilleurs clubs d’Europe. En perpétuelle quête d’inspiration, l’artiste a fait ses premiers pas en tant que productrice l’année dernière et son premier track, « Argyle », est très prometteur. Découvrez dans cette interview un talent français de la techno à suivre de très près.

Toi

WODJ MAG : Peux-tu te présenter pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Félicie : Je m’appelle Félicie, j’ai 24 ans et je suis originaire de Paris. Je mixe de la techno depuis 3 ans, et produis depuis un an. J’ai fait des études de relation-presse, et je me consacre maintenant uniquement à la musique. Je suis également présidente du collectif Exil.

Comment tu t’es lancée dans la techno ?

J’ai toujours été attirée par la musique électronique, car mes parents écoutent ce style de musique depuis que je suis petite, j’ai grandi avec. Naturellement avec le temps, j’ai commencé à sortir dans des soirées techno à Paris et Berlin, c’est à ce moment-là que je me suis vraiment dit que je voulais en savoir plus et apprendre. C’est surtout lorsque je voyais l’énergie qui pouvait se dégager d’un DJ booth et qui faisait danser toute une salle remplie de personnes complètement différentes, se réunissant pour danser à l’unisson sur un même style de musique.

Quel est ton style ?

Ma techno est dark, dynamique, et brutale. J’aime tout ce qui est à base de distorsion et de kicks lourds, les sonorités industrielles, 90s rave, les tournures acides et EBM.

Tu as posté plusieurs mixes sur ton SoundCloud… tu produis aussi ?

Ça fait un peu plus d’un an que j’ai commencé à produire. Avant même de débuter, j’ai toujours eu en tête un style bien particulier que je souhaitais exprimer et reproduire, à travers ma musique. Pour certaines tracks que je produisais, je me disais que ce n était pas mal, mais ce n’était pas vraiment moi, mon type de son, ce que je souhaitais transmettre… Plus les bases deviennent solides avec le temps, plus l’on devient capable de s’exprimer différemment et plus librement, à travers un genre de techno que l’on s’approprie.

J’ai de la chance d’avoir progressé assez rapidement dans mon apprentissage, car Cleric, mon copain, a partagé avec moi énormément de son savoir et de sa technique.
Produire, c’est une éternelle remise en question et des voies de progressions infinies.
J’ai participé au Producer Challenge de Soma Records pour lequel ma track « Argyle » est arrivée seconde, ce qui fut pour moi une grosse source de motivation.
J’ai récemment signé avec l’un de mes labels préférés, ce fut une grande surprise. je suis donc très heureuse… mais je ne peux pas encore en dire plus, il faudra attendre la fin de l’année.

Où vas-tu chercher ton inspiration ?

Les discussions que je peux avoir, les rencontres, mes humeurs, mes voyages, les films que je regarde… tout est plus ou moins sujet à l’inspiration, mais je dirai que mes deux principales sources d’inspirations sont les soirées ou je vais, et les artistes que j’écoute.

Qu’est ce que tu préfères dans le DJing ?

C’est une réponse un peu cliché, mais je dirais, partager des émotions, transmettre de l’énergie sur le dancefloor, et extérioriser ses propres sentiments à travers la musique. Écouter ou faire vivre un bon set, cela peut être un réel voyage.

Qui sont les artistes qui t’ont influencée ?

Je puise mes influences chez plusieurs artistes qui ont plus ou moins une techno assez similaire a la mienne ; AnD, Ansome, Endlec, Bas Mooy, Thomas P. Heckmann, Mickey Nox, Buried Secrets…

En tant que DJ

Tu es DJ résidente d’EXIL, est-ce-que tu peux nous en dire plus sur cette orga parisienne et sur le rôle que tu y joues ?

Exil est un collectif qui a, même avant que je n’en devienne résidente, toujours eu une place spéciale dans mon cœur, car j’ai pu y faire des rencontres qui me sont chères, et c’est à certains de leurs évents que je suis sortie à mes premières soirées techno sur Paris.
C’est un collectif qui a su s’imposer durablement dans le temps, et qui est aujourd’hui considéré comme l’une des plus grosses organisations techno synonyme de qualité de la capitale. C’est donc avec joie que j’ai accepté, lorsque Hicham, l’un des fondateurs du collectif, que je peux aujourd’hui considérer à la fois comme ami et agent, m’a proposé de devenir résidente, après avoir joué plusieurs fois pour certaines de leurs soirées. Avec Exil, je partage les mêmes visions de la techno, et j’ai énormément de chance de pouvoir évoluer avec eux.

Tu joues aussi régulièrement à l’étranger, notamment au MTKlüb à Liège. Est-ce que tu es accompagnée par d’autres structures ?

La Belgique fut l’un de mes tout premiers gigs, et j’y retourne jouer régulièrement. J’adore y être bookée, on se sent à l’aise lorsque l’on connait bien le club et les promoteurs. Et puis surtout, les belges aiment tout ce qui va très vite, je peux m’adapter et jouer un peu plus dark et fast là-bas, c’est idéal pour se défouler ! (rires)
Hicham et moi avons d’autres projets à venir à l’étranger dans le cadre d’Exil, comme à Club Basis ou à Berlin, par exemple.

Tu fais partie de la jeune scène techno fraiche et dynamique. Qui sont les jeunes artistes qui gagnent à être connu∙es, selon toi ?

C’est vraiment motivant de voir qu’il y a maintenant de plus en plus d’engouement envers la jeune scène techno.
Localement, à Paris, il y a beaucoup de jeunes artistes qui gagnent à être connus, qui ont un excellent niveau de production, et qui tournent à l’international ; j’aime beaucoup tous les artistes de Raw Agency, car ils représentent le genre de techno et le style que j’aime.

Ta position

Le milieu de la techno se veut très ouvert aux minorités sexuelles et aux minorités de genre, pourtant les hommes cisgenres y sont en très nette majorité. C’est surprenant comme paradoxe, non ?

Historiquement, la techno s’est développée grâce aux minorités, et la communauté LGBT y a joué un rôle fondamental et sont depuis toujours liées, et ce mondialement parlant. Aujourd’hui, la techno s’est popularisée, c’est pourquoi elle attire et favorise la rencontre de tout type de personnes et de générations dans un club.
Ce que je trouve de génial justement, c’est ce mélange des genres, des personnes, peu importe qui tu es ou ce que tu aimes, sur le dancefloor tout le monde est égal et ne fait qu’un.
C’est pour cette sensation de liberté et de partage, que je pense que tant de gens aiment se retrouver à travers la techno, qui a largement contribué à cette ouverture d’esprit au sein de notre société.

On entend souvent parler de « DJette » pour désigner les artistes femmes du milieu. Qu’est-ce que tu penses de cette appellation ?

Je trouve que cette appellation, un peu réductrice, pousse à construire un mur de différences entre les hommes/femmes DJs. Derrière les platines nous sommes tous égaux.

Qu’est ce que tu penses des concepts de soirées avec des plateaux exclusivement féminins ?

Je trouve ça intéressant qu’il y ait de plus en plus de collectifs et de soirées qui mettent la femme en avant, afin de leur donner une voix supplémentaire, au sein d’un milieu où les femmes manquent parfois de reconnaissance et de visibilité, ou sont trop souvent objectivées, notamment pour leur physique, et non pour leurs compétences musicales.
Mais, paradoxalement, comme pour la question précédente, je pense que d’un certain côté, cela pourrait contribuer à creuser encore plus un fossé de différences et d’inégalités entre les femmes et les hommes au sein de l’industrie, et à renforcer un certain sexisme.

A toi de jouer

C’est quoi tes prochains projets à venir ?

Continuer à produire et j’ai hâte de pouvoir enfin vous parler de ma prochaine release 🙂

Ton Top 5 des tracks que tu ponces le plus en ce moment ?

Mickey Nox – Unclean [Green Fetish Records]
Ansome & Ossian -Butch [SLAM]
Manni Dee feat. Ewa Justka – London Isn’t England [Perc Trax]
Zanias – Follow the body (Dax J Remix)
Peryl – Bleeding Eyes [Lebendig]

Et si tu devais vivre avec qu’une seule track, laquelle choisis-tu ?

Je choisis Cleric – « 2ndLimit » [Clergy], car la techno, c’est avant tout une question de laisser la musique complètement contrôler son corps et son esprit, et de faire abstraction du reste, au moins le temps où l’on se trouve sur le dancefloor…

Quel est ton plus grand rêve et comment comptes-tu le réaliser ?

Continuer de vivre ma passion !