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Discussion avec Thérèse : l’artiste avec un coup d’avance

Thérèse est une artiste complète et hybride qui explore son propre monde en restant connecté à celui qui l’entoure. Artiste franco-asiatique aux multiples facettes (musicienne, styliste, activiste, mannequin), Thérèse incarne cette nouvelle génération d’artistes français de musique électronique qui mélange à la fois puissance de la bass music, musicalité du Hip Hop et énergie de la culture club et s’est imposée comme une figure d’émancipation dans l’industrie musicale française indépendante. En recherche constante d’innovation son approche artistique l’emmène à emprunter des chemins inconnus et prometteurs.

Image mise en avant : © Lily Rault

C’est alors, avec un temps d’avance, que Thérèse se lance dans le monde merveilleux de la blockchain. Notamment c’est avec l’apparition des NFTs (Tokens non fongibles), que la chanteuse, rebaptisée « Crypto Thérèse » pour l’occasion, propose son single « T.O.X.I.C », extrait de son dernier EP Rêvalité sorti le 12 mars 2021, à ses fans via la plateforme dédiée aux musiciens axée sur cette nouvelle technologie Pianity. Nous avons discuté avec cette pionnière en la matière pour en savoir plus sur son parcours et ses nouveaux chemins qu’elle empreinte et qui fusionnent si bien avec son tempérament et sa vision.

 

Toi

WODJ MAG : Salut Thérèse, comment vas-tu ?

Thérèse : À part cette toux probablement due à un système immunitaire fragilisé du fait de la surconsommation de gel hydro alcoolique, tout va bien !

Est-ce que tu peux te présenter pour celles et ceux qui te découvrent ?

Je m’appelle Thérèse Sayarath. J’ai 35 ans. Je suis française d’origine sino-lao-viet née dans le 9.4. Après un parcours de fille d’immigrés ‘modèle’ (bac S, prépa HEC, école de commerce), j’ai fait un burn out pour me trouver. Aujourd’hui je suis musicienne, styliste et ‘militante’. J’aime le fromage, la rumeur de Paris, les changements de couleurs, les paillettes, être en jogg, discuter avec des gens pas d’accords et plein d’autres choses. Je me considère comme un truc entre un carrefour social et un arc-en-ciel.

Tu peux nous partager quelques moments clés de ton parcours qui ont façonné ton profil artistique ?

J’ai été au conservatoire pendant quelques années gamine (5 ans de solfège, 8 ans de piano classique). J’ai fait 2 ans de chorale, ado, à chanter des messes en latin dans des églises dans le chœur de Pierre Molina. J’ai créé mon premier groupe de pop musique en école de commerce et on avait un MySpace. J’ai jammé deux ans dans un bar de quartier dans le 14ème avant de me décider à monter un groupe de reprises avec John, où on faisait du Rihanna comme des Rita Mitsouko. Puis on a monté La Vague. Sorti notre premier EP autoproduit en 2017 Serotonin, un second en 2019 Lemme Be. Puis en 2020, j’ai décidé d’arrêter cette aventure et de monter ‘Thérèse’. En mars 2021 j’ai sorti mon premier EP « Rêvalité » co-composé avec Adam. Et on bosse sur le deuxième… C’est passé vite… Ces 35 ans.

Quel est ton style ?

Je laisse les gens le définir. J’en suis incapable. L’industrie voudrait que ce soit de l’urban pop, mais j’aime pas les cases et encore moins celle du mot ‘urbain’…

C’est un mélange de pop, hip-hop, électro avec des sonorités orientales en 3 langues. Une fois que j’ai dit ça, ça te fait une belle jambe haha. Allez écouter…

Est-ce que t’as des artistes intemporels et contemporains qui t’influencent ?

Oui… Je pense que ‘tout’ m’influence. Pour ce qui est des influences conscientes et assumées, je citerais M.I.A. Princess Nokia, Rihanna, Nicolas Jaar, Thom Yorke, Sevdaliza, Billie Eilish, FKA Twigs, Lana del Rey, Sega Bodega, Woodkid…

Quel est le track qui te définirais le mieux ?

« Bad Girls » de M.I.A.

« LIVE FAST, DIE YOUNG, BAD GIRLS DO IT WELL »

 

Tes projets

Je suis en train de t’écouter sur ta chaîne YouTube, tu as lancé des #Talks lors du premier confinement en 2021. Quelle lucidité et honnêteté dans tes paroles. T’as un parcours et une vision très inspirant tant sur le spirituel que sur l’humain, on va rester sur la partie artistique et musique si tu veux bien mais parle-nous quand même de la transition : vie « rangée » Vs ta vie d’aujourd’hui ?

Boarf, c’était une question de survie. Je me suis pas posée trop de questions. J’étais en burn out. Fallait que je sorte de ce bordel et le plus vite possible. J’ai eu la chance d’avoir un sacré entourage, me battre pour une rupture conventionnelle… Puis d’être en France et bénéficier du chômage ! Comme je chantais déjà dans des bars, je me suis simplement dit que j’allais tenter de faire ça plus sérieusement, le temps de la durée de mes indemnités et voir… Ça m’a plutôt pas déplu haha ! Merci la France ! Blague à part, le « courage » vient après. Je crois qu’il faut être simplement un peu timbré.e.pour quitter un job bien payé pour tenter de devenir artiste à Paris, mais vraiment, le courage c’est de tenter de le rester. Surtout quand on est une femme. Racisée. De plus de 30 ans. Haha !

Tu parles dans l’une de tes vidéos publiées sur ta chaîne : Thérèse [Music, fashion, activism] que : « tu es une personne synesthésique » ?

C’est juste un truc neurologique qui fait que tous tes sens communiquent de façon systématique et prégnante. Genre une couleur appelle forcément une odeur, texture, un goût ou son. Et vice-versa. Oui bien-sûr que je « l’exploite ». Mais j’en n’ai même pas vraiment conscience. C’est juste ainsi que je vis les choses et appréhende le monde depuis toujours. Ça n’a rien de magique. C’est juste méga pratique et génial pour créer mais souvent très crevant.

Tu as eu un parcours « modèle » comme tu l’explique puis tu t’es plongée corps et âme dans la musique. Tu as commencé à travailler sur Ableton. par exemple.. Comment s’est passé cette initiation jusqu’à la sortie de ton premier son ?

Ça s’est passé vite. C’est Adam qui m’a aidée à faire mes premiers pas basiques sur Ableton pendant le confinement de mars à mai 2020. Prise en main de l’ordi à distance. Ah la technologie ! Puis j’ai assez rapidement bricolé et pris beaucoup de plaisir à le faire. Il est arrivé à Paname mi-mai 2020. On bossé 2-3 semaines à la maison, filé en stud et sorti le son en juillet 2020… J’ai pas vraiment progressé depuis sur Ableton. J’en n’ai pas du tout l’ambition pour le moment. Mon objectif c’est poser des bases et ensuite travailler avec d’autres. Je préfère mettre mon énergie geek ailleurs !

Image mise en avant : © Lily Rault



Les titres de tes morceaux sont assez viscérales : mélange chimique de sensations et sentiments forts comme « SEROTONIN », ton EP sorti avec La Vague en 20217 et plus récemment « T.O.X.I.C » notamment sous ton alias Thérèse en 2020. Quelle énergie et atmosphère souhaites-tu insuffler à tes auditeurs ?

Tu me poses une colle. Je dis les choses telles que je les ressens… Mais le lien c’est peut-être quand même que j’essaie de lier les événements et phénomènes à travers le triptyque tête-cœur-corps. Soit l’intellect, les émotions et le physique.

De même, ton titre « Chinoise ? » tu nous lâches tous les sous-entendus ou clichés sur la communauté chinoise. Ce sujet te tient aux tripes…

Oui. Hahaha… J’écris sur des sujets qui me traversent. C’est juste que les choses me traverse « fort »… La musique est cathartique. Elle sert à exorciser des ressentis, de façon individuelle et collective… Et si ça peut faire réfléchir, tant mieux !

Tu as des origines asiatiques du Laos, du Vietnam et de Chine, est-ce que tu penses explorer de nouveaux chemins en chantant en chinois par exemple car tu chantes déjà en anglais et français, tu évoquais cela notamment dans une interview donnée sur la chaîne de « Y2TV » ?

Je chante déjà en chinois. À l’époque de La Vague c’était déjà le cas et là il y a du mandarin sur « Chinoise ? » et sur « Differently ». Mais aussi « Anthropocentric » qui est nouvelle et que je joue sur scène. Je parle environ 7/8 langues. Je compte bien toutes les utiliser un jour dans mes chansons. Pour ce que ça véhicule comme sonorités et comme idée de l’identité.

Ton actualité

Tu as annoncé récemment, un nouveau projet : « Crypto Thérèse« . C’est d’autant plus excitant qu’on est à l’ère de l’art et des cryptos avec les NFTs. Es-tu une crypto enthousiaste depuis la première heure ou tu découvres émerveillée le monde incroyable qui s’ouvre à toi ?

Haha, ça fait quelques années que je suis ce qu’il se passe. De plus ou moins loin. J’ai des proches qui s’y sont intéressés. Du coup je comprends de quoi il en retourne sans avoir la prétention de connaître toutes les subtilités.

Quel est le projet concrètement ? Peux-tu nous teaser s’il te plaît pourquoi avoir évoqué « Crypto Thérèse » ?

Je me suis simplement associée à la plate-forme Pianity pour proposer sur le marché mes premiers NFTs. Soit des objets numériques certifiés et authentifiés en rapport avec mon projet musical.

Ces NFTs ont la particularité d’être basés sur l’arweave, une crytpo allemande 100 fois moins énergivore que l’ethereum (sa cousine la plus connue, notamment sur le marché des NFTs).

Avec mon label indé La Couveuse, on a mis 11 exemplaires de mon premier single « T.O.X.I.C » (avec une cover en exclu que j’ai faite à la main) sur le marché le 13 octobre dernier. 1 en exemplaire ‘unique’ aux enchères durant 24h et 10 en exemplaire dits ‘légendaires’ à un prix fixe. Ils ont été sold out en moins de 4 jours.

« Crypto Thérèse » c’est un petit clin d’oeil pop culture à Superman et à sa Kryptonite car j’étais entièrement vêtue de vert avec des ongles démesurément longs sur la photo d’annonce. Évidemment, c’est aussi une façon ludique d’annoncer un événement un peu turfu à celleux qui ne sont pas familier.e.s avec tout ça et d’ouvrir vers un univers de créations parallèle où je ne sais moi-même pas quelle en sera la réalité.

Visuel du single « T.O.X.IC » de Thérèse, extrait de l’EP Rêvalité, sur Pianiy (Sold Out)

Que vas-tu explorer pour toi et qu’apportes-tu à ton public avec ce nouveau projet ?

Je vais tenter des choses. Je suis curieuse… Déjà, j’ai envie de mettre de la musique pour finalement valoriser ma musique par ma musique. Ça peut paraître stupide comme phrase mais aujourd’hui, avec les plateformes de stream classiques, les musicien.ne.s ne valorisent par leur musique par leur musique puisque 15k streams équivalent à un kebab sans frite…

Gagner des sous va me permettre de réinvestir dans mon projet et proposer plus de choses à mon public car je serai un peu moins dépendante des subventions et de mes économies personnelles (vis ma vie d’artiste indé).

L’idée c’est de proposer des objets numériques exclusifs : soit des covers numériques sur morceaux existants (comme pour « T.O.X.I.C »), soit des sons qui n’existent nulle part ailleurs, peut-être des vidéos, des photos… On verra bien !

En contrepartie, le public a la garantie de soutenir et contribuer à l’évolution du projet puisque mon label touche 80% des sous qu’il réinjecte dans mon projet. Et potentiellement de gagner des sous sur des transactions futures si je prends de la valeur…

Ce qui est assez fabuleux aujourd’hui c’est de se rendre compte que ce n’est pas forcément le même public sur ce marché VS le marché classique. Du coup en réalité, il s’agit en plus d’un élargissement d’audience.

Est-ce que tu penses que ce canal va se démocratiser et est encore à son balbutiement, comment tu envisages la suite avec la blockchain ?

Oui, je pense qu’on en est au tout début. Surtout pour la musique. J’ai la fierté de l’avoir fait avant Booba hahaha ! Je crois que ces 3 prochaines années seront un peu folles et extrêmement intéressantes (pour le meilleur et pour le pire en termes de spéculation et des problèmes éthiques que ça comporte). Et qu’on tendra ensuite vers une normalisation de la pratique et probablement par une rappropriation du marché par les majors… Se posera encore plus sérieusement la question écologique aussi je crois. Donc… La piraterie, c’est maintenant.

As-tu une réflexion personnelle sur cette nouvelle technologie ?

Oui, je l’ai évoqué dans la réponse précédente… Je me demande dans quelle mesure spéculer sur « l’art et la culture » est une chose sensée. Je me demande s’il ne faudrait pas encadrer ou plafonner les prix. Ensuite, je crois qu’il serait intéressant d’avoir une sorte de bilan carbone de ces pratiques et de taxer celles qui polluent trop ou récompenser celles qui sont plus vertes. Que ce soit sur le marché réel ou virtuel, je me rends compte que je reste cette « libérale pragmatique modérée » empreinte de questionnements philosophico-socio-ecolos. On se refait pas.

Thérèse crédit Charlie Montagut

Thérèse pour son EP Rêvalité © Charlie Montagut

 

Plus sur toi

Quel est le lieu le plus fou où tu souhaiterais te produire en live ?

Pluton. Avant ça, le MoMA ce serait cool.

Ton Top 5 des tracks que tu écoutes le plus ?

01. Sega Bodega – « Angel on my Shoulder »
02. Shygirl – « Cleo »
03. Billie Eilish – NDA
04. Sevdaliza – « Oh my God »
05. Mimaa – « Gipsy »

Et ton mot préféré, c’est lequel ?

« Pourquoi ?« 

Quel est ton plus grand rêve et comment comptes-tu le réaliser ?

Vivre. En me levant chaque jour, heureuse, autant que faire se peut, de faire ce que j’ai à faire.

Merci Thérèse !




Commander/streamer l’album Rêvalité de Thérèse disponible dès maintenant sur toutes les plateformes de streaming


 

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