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Discussion avec Kritzkom : Quand le silence réveille la Techno

Kritzkom est le project solo de Marine Drouan, musicienne et graphiste originaire de Nantes, installée à Berlin. Elle commence à produire de la musique en France pendant ses études de design graphique puis s’installe à Berlin. Son approche intime des sciences et de la nature se répercute autant dans ses travaux visuels que sonores.

Image mise en avant : © Sonja Cvitkovic

Kritzkom a signé sur différents labels, tels que Hylé Tapes, Seagrave, Where To Now? ou elle explore et mélange des textures, mélodies et sons. Inspirée et utilisant les motifs et éléments présents dans la nature, naviguant entre différentes atmosphères sonores hypnotiques, Kritzkom est une artiste proactive qui apporte une touche de singularité dans l’univers des musiques électroniques.
 

Toi

WODJ MAG : Salut Kritzkom, comment vas-tu ?

Kritzkom : Ça va plutôt pas mal considérant la situation actuelle, j’essaye de
rester patiente et me dit qu’on finira par tous se revoir.

Est-ce que tu peux te présenter pour celles et ceux qui te découvrent ?

Je compose de la musique électronique et je suis aussi graphiste l’autre moitié du temps. J’ai une approche plutôt basée sur le son que la musique, venant plus du milieu de l’art et du design.

Quel est ton style ?

Il est difficile à décrire, parce que je ne cherche pas à être dans un genre. J’ai toujours aimé la liberté de la musique électronique, je mélange les influences et les genres. J’oscille entre de la techno, en plus lente, des rythmes plus house, des sons industriels et de la musique électronique expérimentale. On qualifie souvent ma musique de « Leftfield » qui correspond bien vu que ça décrit un genre assez experimental et inclassable, et j’aime le mot field qui se réfère au field recording.

Quel track te définirais le mieux ?

Ça change tout le temps, mais aujourd’hui ce serait « Left », le quatrième morceau de mon dernier EP Fuzziness.



Berlin

Tu es une productrice de Nantes, basée actuellement à Berlin. Pourquoi as-tu choisi cette ville pour poser tes machines ?

J’ai pas vraiment eu l’impression de choisir, ça a été un coup de cœur. Je n’avais jamais eu d’affinité avec l’Allemagne, à part la musique que j’écoutais. La première fois que j’ai été à Berlin, j’étais encore étudiante, et après quelques jours, j’ai eu envie de m’y installer, ce que j’ai fais 2 ans plus tard.

Que trouves-tu là-bas ?

D’abord parce que la musique que j’aimais était partout, dans les bars et les clubs. Un un son techno, froid et dansant. En France la musique électronique était à ce moment très différente plus « house french-touch » et encore peu courante. Dans les bars en France, on entendait rarement de la musique qui me plaisait. À Berlin, ça faisait partie de la ville. La ville aussi était radicalement différente de tout ce que je connaissais, les rues étaient immenses, vides, et pourtant il se passait tellement de choses, ça fourmillait la nuit dans des lieux plus ou moins officiels. Tout était possible et c’était très ouvert. Ça a énormément changé depuis, mais il y a toujours une scène musicale très active et variée.

Female:Pressure, est un réseau international qui soutient les artistes féminines et non-binaires dans les domaines de la musique électronique et des arts numériques – Est-ce que tu peux nous parler de tes collaborations ?

Mon premier morceau qui a été sorti sur un label était pour les 10 ans de female:pressure, c’était une collaboration et grâce à ça j’ai été invitée à Vienne à la soirée de lancement. C’est là que j’ai rencontré Electric Indigo, la fondatrice mais aussi beaucoup d’autres DJ et musiciennes actives, dont Chra qui commençait un label et qui a sorti ensuite un vinyle de cette premiere collaboration avec Borusiade.

Depuis female:pressure à beaucoup grandi, et il y a un grand groupe actif à Berlin. On a commencé à faire des meeting à Berlin en 2013 et c’est là qu’il y a eu un nouvel élan. On a réalisé que les pourcentages de femmes dans les lines-up étaient encore plus bas que ce qu’on imaginait. En fait, on en revenait pas. Au départ, c’était un rapport de presse pour attirer l’attention sur le problème, suivi d’un festival (Perspectives), qui voulait montrer qu’il y avait différentes perspectives que des line-up presque 100% masculins. On voulait répondre à tous les bookers qui disaient « on voudrait bien booker des femmes, mais il n’y en a pas dans la musique électronique » qui était faux et il fallait donner de la visibilité aux femmes. Année après année, ça c’est amélioré.

Dans ces années là, j’ai rencontré Kaltès avec qui on a formé un groupe qui s’appelait Anna Otto, on a fais quelques concerts et signé avec un label qui a ensuite du fermer et tout à été annulé. Le projet n’a pas été plus loin à cause de ces complications mais ça a été une collaboration très intéressante et un peu éphémère.

J’ai aussi fait les graphismes de certains évènements ou projets de female:pressure, dont le festival Perspectives, les soirées female:pressure du Tresor ou d’autres projets ponctuels. On collabore à tous les niveaux et on échange beaucoup d’informations utiles, c’est aussi un vrai groupe de soutien.




 

Tes projets

Tu as sorti 6 EP avant, tu es proactive et créative. Ou vas-tu chercher ton inspiration ?

Bizarrement de plus en plus dans le silence et la nature que dans la danse. Plus c’est calme plus on écoute en détails tous les sons subtils de son entourage. Je crois que c’est comme ça que j’ai commencé à enregistrer beaucoup de son autour de moi et d’en faire des boucles. Je suis aussi sur le plus long terme très influencée par ce que j’écoutais quand j’ai découvert la musique électronique, le son de Detroit ou du Tresor ou Laurent Garnier et aussi par des années de clubbing. Mais ce qui m’inspire beaucoup directement, ce sont les livres; c’est ce qui me donne envie de faire de la musique, de traduire l’émotion ressentie par la musique.



Tu as sorti ton dernier EP, Fuzziness, le 29 janvier dernier, sur le label new-yorkais, Jollies. Est-ce que tu peux nous le présenter ?

Fuzziness parle de moments indéfinis et flous. Un entre deux états qui correspond pas mal au moment qu’on traverse. C’est un thème qui correspond aussi beaucoup à ma musique aussi où les sons se mélangent et interagissent de façons à en re-créer d’autres. Ça devient difficile d’identifier l’origine des sons. Beaucoup de titres peuvent aussi être interprétés de façons différentes. J’y mélange pas mal de son d’ambiances que j’enregistre, de mélodies et de rythmes inspirés par la nature ou de lectures et interrogations sur les origines de l’univers. Ça peut paraitre prétentieux, mais c’est une véritable passion. Beaucoup de mécanismes qu’on observe dans la nature sont transposables dans notre monde actuel, mais aussi dans notre façon inconsciente de créer.

Comment as-tu agencé ton Home Studio ?

J’ai à peu près toujours la même base depuis un certain temps :
mon ordi avec Ableton, un launchpad et une ou deux machines (Electron Machinedrum et Octatrack) parfois un synthé, comme le Microkorg XL, parce qu’il est très complet et léger. J’ai tendance à réduire si il faut prendre l’avion, comme tout le monde. En studio, j’utilise aussi un petit synthé modulaire et pas mal de boitiers plus ou moins DIY et des enregistrements (field recordings).

Ton Top 5 des tracks que tu as le plus joué ces 6 derniers mois ?

01. « Follow »
02. « Leaving Antarctic »
03. « Beyond »
04. « Point Subantarctic »
05. « Beauty Quark »



Tu donnes des noms de tracks qui nous invitent à l’évasion, à la découverte de contrées lointaines et désertiques comme les extrémités du globe, notamment. Est-ce que tu peux nous en dire plus ?

J’ai effectivement une fascination pour l’Arctique et l’Antarctique.
J’ai beaucoup été dans les pays nordiques, où il y a un rapport à la nature très fort. La texture de l’air qui parait différente avec le froid, les sons absorbés par la neige, la lumière très différente (quand il y en a) et le fait d’être entourée par plus d’animaux que d’humains font de ces endroits des lieux uniques.

Cet effet est encore plus fort en Antarctique, où les animaux ont priorité sur les humains (c’est réellement respecté, si un manchot traverse devant une personne, elle doit s’arrêter et le laisser passer), la mer complètement séparée des autres mers par un effet de courants, ce qui fais que le continent est complètement protégé de la pollution au plastique. En général d’ailleurs tout est protégé, on ne peut pas débarquer sans être désinfecté pour ne pas amener de bactéries, mais aussi graines, pollens pour ne pas déséquilibrer l’écosystème. Ça donne du coup vraiment l’impression d’être sur une autre planète.

Dans les deux cas, les sons sont extrêmement différents, c’est si calme qu’on entend chaque détail, les flocons de neiges qui tombent, la glace qui craque… C’est très inspirant.Chaque voyage dans ces régions, reste gravé et occupe mes pensées pendant les années suivantes et donc influence ma musique, d’où les titres qui en font souvent référence. Et bien sûr, je suis assez inquiète du futur des ces endroits.

Dans quel lieu tu aimerais jouer tes productions ?

J’ai toujours rêvé de jouer au Lieu Unique à Nantes. J’ai comme une nostalgie pour ce lieu ou j’aimais aller quand j’habitais à Nantes.

Quel est ton plus grand rêve et comment comptes-tu l’accomplir ?

Le plus fou serait de travailler sur une façon de communiquer grâce a des sons avec des orques ou des cachalots. Les deux vivent en groupe très soudés et ont des manières de communiquer de façon incroyable. Après avoir entendu les orques en plongeant avec elles, je rêve de pouvoir leur répondre. Pour l’instant j’apprend à plonger, je ne sais pas si le reste est réalisable, mais je suis de près les scientifiques qui essayent de décoder leurs comportement.

Un rêve plus réaliste serait de faire la musique d’un documentaire ou long métrage. Je n’ai eu l’occasion de faire la bande son que sur des videos courtes, mais c’est une direction qui m’intéresse aussi beaucoup.

Merci Kritzkom.

Site officiel de Kritzkom
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