Voilà plus de 10 ans que la carrière de la DJ et productrice, Mila Stern, l’a menée des squats de Halle où elle a fait ses premières armes, en passant par Tel Aviv, jusqu’à Berlin, sa ville d’adoption et épicentre de la musique électronique club. Son calme et son talent de selector ont rapidement fait d’elle une artiste prisée, avec des apparitions régulières dans des festivals et des résidences au légendaire Kater Blau de Berlin et à la Station Endlos de Halle. Dès le début, Mila s’est inspirée de la contre-culture et a brisé les frontières normatives. Elle a puisé dans des sons audacieux et s’est taillée une place de choix en poursuivant sans relâche sa vision en dépit de l’antagonisme auquel les femmes DJs étaient confrontées à la fin des années 2000, et qui perdure encore aujourd’hui.
Image mise en avant : © Caroline Saage
Mila propose une esthétique riche en groove qui s’appuie sur des paysages sonores marginaux inspirés du post-punk et de l’électro. Ce qui la distingue, c’est sa volonté d’embrasser des sonorités peu orthodoxes, d’explorer la beauté de la dureté et de la dissonance, d’intégrer des moments de rupture dans une sous-structure puissante et bien entendu son tempo signature : 123,4 bpm. Depuis 2019, Mila a matérialisé sa vision dans des sorties originales et des remixes. Son EP Five Finger, sorti le 8 septembre 2023 via Kiosk ID, résume l’énergie qu’elle apporte sur scène dans un opus de six titres qui délivre des hooks grandioses donnant une puissance folle à la musique et la rendant parfaite pour taper du pied sur le dancefloor. Découvrez cette interview exclusive avec une femme DJ et productrice qui a toujours suivie son étoile.
WODJ MAG : Bonjour Mila, comment vas-tu ?
Mila Stern : Très bien. Merci de l’intérêt que vous portez à mon travail !
Peux-tu te présenter à celles et ceux qui te découvrent ?
Je suis Mila Stern, DJ depuis 2008 et productrice depuis 2019, vivant à Berlin. Je suis résidente au Kater Blau à Berlin et à la Station Endlos à Halle où je vivais auparavant.
Quand et comment es-tu entrée dans la musique ?
J’ai toujours été dans la musique d’une manière ou d’une autre. Enfant, j’ai pris des cours de piano et de violoncelle, mais mon professeur de piano ne pensait qu’à une performance technique irréprochable et pas du tout à s’amuser. Il est donc un peu surprenant que j’aime travailler dans la musique. Adolescent, j’écoutais la radio, je regardais la télévision musicale et je lisais des magazines musicaux en permanence. J’ai joué de la guitare basse dans un groupe pendant un certain temps, puis je suis devenue DJ et productrice lorsque j’ai découvert le plaisir d’aller à des fêtes et festivals techno.
Quel est ton style ?
Je dirais que c’est quelque part entre la techno mélodique et la dance indie influencée par le post-punk. Mes sets et mes morceaux sont censés faire danser les gens sur une musique qui correspond à mon esthétique. J’aime les sons peu orthodoxes et les paysages sonores marginaux. Il y a des moyens plus faciles d’attirer les gens sur un dancefloor que d’utiliser ces sons qui semblent hard ou dark. Mais j’aime que mon public et moi soyons capturés par ces sons et que nous créions ensemble l’un de ces moments spéciaux.
Quel est le track qui te définit le mieux ?
En ce moment, c’est « Deadline Disco », la face B de mon EP Five Finger paru .
Commander/streamer l’EP Five Fingers de Mila Stern via Kiosk I.D.
Comment se porte la scène underground en 2023 à Berlin ?
L’embourgeoisement, l’augmentation du coût de la vie et les conséquences de la pandémie sont très visibles sur la scène en ce moment. Je ne peux pas parler pour d’autres endroits, mais j’ai l’impression que ce sont des sujets que l’on retrouve dans beaucoup d’endroits à travers le monde. Les clubs sont en difficulté, comme tous ceux qui travaillent sur le terrain, mais aussi comme les gens qui vont aux fêtes. D’après mon expérience, la situation est très tendue. Le club Mensch Meier va fermer par exemple et cela me rend vraiment triste de perdre cet endroit si important pour la scène underground. J’espère toujours que la situation tendue actuelle finira par changer. J’espère que je ne me fais pas d’illusions.
Comment le public berlinois perçoit-il et vit-il la musique électronique dans votre pays ?
Je pense que grâce au travail de lobbying d’associations comme Booking United ou Club Commission, le public a commencé à considérer la musique électronique comme un élément important de la culture berlinoise. Mais je pense qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. À l’intérieur et à l’extérieur de Berlin, la scène de la musique électronique, les clubs et les festivals sont également un sujet pour les partis conservateurs et de droite. Ils essaient – et parviennent parfois – à restreindre les horaires d’ouverture, les financements publics, etc. Encore une fois, j’espère que cette situation tendue évoluera favorablement et qu’il sera important de soutenir les structures qui s’y opposent.
Quels DJ berlinois-es que tu aimes écouter et avec lesquel-les tu apprécies jouer que ce soient au Kater Blau, les autres clubs de Berlin ou en festival ?
Il y en a tellement. Je vais donc en mentionner quelques-unes, tout en sachant que j’en oublie beaucoup.
L’une de mes meilleures amies et collègues très proches, Mira, est très importante pour moi. Elle dirige également Kiosk ID, le label interne de Kater Blau, avec Peter Schumann. Mon dernier EP est sorti sur Kiosk ID.
Mytripismytrip est un duo mixte de Leipzig. Ils m’ont fait confiance pour produire mon tout premier remix d’un de leurs morceaux originaux avec Nixe. Aujourd’hui, ils ont remixé un de mes titres. Si vous avez l’occasion de les voir en concert, ne manquez pas de le faire. Ils jouent des sets live sans DAW et sont tout simplement géniaux. Lorsque j’ai commencé à faire du DJing, Camea a été l’une de mes modèles. Je suis donc très heureux et fier de l’avoir à bord en tant que remixeur sur mon EP Five Finger.
Même si Intaktogene n’est pas très proche de moi sur le plan musical, c’est une amie et une collègue très chère. J’aime particulièrement parler avec elle de la production. Annett Gapstream est également une personne à ne pas manquer. C’est une excellente DJ et productrice, qui gère aussi son propre label, Artminding.
Pour être honnête, je pourrais continuer encore longtemps.
Tu viens de sortir un nouvel EP Five Finger Discount via Kiosk I.D.. Peux-tu nous en parler ?
L’EP sort en vinyle avec les deux titres originaux, un remix de Camea et un de Hardt Antoine. La version digitale contient en plus deux remixes de Öona Dahl et mytripismytrip.
C’est mon deuxième EP. Mon premier est sorti en 2019. Pendant la pandémie, je n’ai pas pu produire de musique. J’étais tellement en panne d’inspiration. J’ai finalement recommencé à travailler sur mes propres morceaux l’année dernière. C’est comme un redémarrage de se remettre à produire de la musique de manière régulière.
Quel message ou quelle énergie cherches-tu à transmettre à travers tes nouveaux morceaux ?
Pour cet EP, je voulais simplement créer des morceaux qui s’intègrent parfaitement à mes sets de DJ. Je le décrirais comme chaleureux, puissants, énergiques et constamment au bord de la désintégration.
Où aimerais-tu jouer les tracks de ton dernier EP Five Finger Discount?
Il y a tellement d’endroits 🙂 Je les ai déjà jouée au Kater Blau, au Garbicz Festival et quelque part dans les bois au Kazakhstan. Mais j’ai aussi très envie de le jouer au Mexique quand j’y retournerai en novembre 2023.
Quel est le dernier concert, spectacle ou festival auquel tu as joué participé au cours de l’été 2023, et aurais-tu un souvenir à partager ?
Il y a quelques semaines, j’ai joué pour le 9ème anniversaire du Kater Blau et c’était une ambiance de folie. C’était mon troisième concert ce week-end-là et quand je suis arrivé le dimanche en fin d’après-midi, j’étais tellement fatigué mais aussi impatient de jouer.
Cela m’a donné tellement d’énergie que je suis restée jusqu’au lundi en fin d’après-midi et j’ai passé un bon moment avec mes amis.
Quels sont les projets à venir ?
Jusqu’à présent, je produisais à la maison avec une installation très basique et j’utilisais uniquement des écouteurs.J’ai récemment emménagé dans un studio partagé et j’ai hâte de découvrir toute la musique que je vais y produire.
Merci Mila pour le temps que tu nous a accordé.
Commander/streamer l’EP Five Fingers de Mila Stern via Kiosk I.D.
